Can Lis, le refuge de Jørn Utzon

Lors de mon dernier voyage, j'ai été séduite par l'île de Majorque... Les habitants y sont très accueillants, les paysages vallonnés, la végétation méditerranéenne riche*, la présence de la mer somptueuse... mais on peut aussi y découvrir la fondation Pilar et Joan Miró... et Can Lis !

Majorque       

 

C'est de Can Lis, le refuge de l'architecte danois Jørn Utzon, dont je souhaite vous parler.

Jørn Utzon, dont le nom est assez peu connu, est l'architecte du très célèbre opéra qui est à Sydney ce que la Tour Eiffel est à Paris, le musée Guggenheim à Bilbao !

A la fin des années 80, j'ai passé un certain temps à Sydney. J'ai été émerveillée par cette ville, l'Hambourg Bridge, le quartier historique The Rocks, le port, les docks, la mer omniprésente, les collines verdoyantes... et l'Opéra, en majesté comme une sculpture blanche qui étincelle au soleil.

J'en garde toujours un magnifique souvenir.

Plus de 30 ans après, je découvre l'endroit où, bafoué, Jørn Utzon s'est réfugié...

 

Les débuts de Jørn Utzon

Jørn est né en 1918 d'un père qui construisait des navires, ce qui le marquera probablement beaucoup. D’abords souhaitant être sculpteur comme son oncle, il sera finalement architecte et designer, mais n'est-ce pas un peu la même chose ?

Il eut une brève collaboration avec Alvar Aalto qu'il admirait et dont il étudia le travail... Il voyagea aussi beaucoup, en Amérique, en Asie, en Afrique du Nord... Aux États-Unis, il rencontrera Charles et Ray Eames, Frank Lloyd Wright, Mies van der Rohe...

L’opéra

En 1957, alors encore presque inconnu, Jørn Utzon gagne le premier prix de la compétition internationale que lance alors le gouvernement du New South Wales en Australie, pour la réalisation de l’opéra de Sydney ! Les travaux commencent rapidement mais de nombreux problèmes se succèdent lors de la construction...  Par exemple la découverte que le terrain choisi par le premier ministre d'alors Joseph Cahill, situé sur une pointe qui avance dans la magnifique baie de la ville (anciennement site aborigène), n’est pas assez solide et qu’il faut forer des pieux pour supporter le poids du bâtiment !

Les « coquilles » coutent plus chères que prévues car l’architecte est exigeant et déterminé, le budget augmente**... Le nouveau premier ministre arrivé en 1965 n’étant pas favorable à ce projet, Utzon est finalement acculé à quitter le chantier en 1966 alors que les coques sont presque terminées, mais que les travaux de l’intérieur restent à réaliser. L'opéra sera alors achevé par une nouvelle équipe d'architectes et c’est en 1973 que l’opéra sera enfin inauguré sans que Utzon ne soit invité ni nommé !

Dessin de l'opéra de Sydney

Pourtant, parmi beaucoup d’autres réalisations, l’opéra restera son grand chef d’œuvre et le symbole de Sydney et même de l’Australie !

 

Can Lis

Dépité, décu, Jørn repartira en voyage, mais c’est sur l’île de Majorque, qui le fascine, qu’il décide d’y construire en 1972 un refuge d’été pour sa famille. La maison portera le nom de sa femme Lis. La maison est située au bord d'une falaise de 20 mètres de haut, qui fait face à la mer. Un site d’une étonnante beauté.

Toute la maison est conçue pour cadrer des vues sur la mer. D’une pièce à l’autre, on chemine entre intérieur et extérieur, en traversant des cours et patios. Plus qu’une maison, c’est un parcours architectural avec de multiples espaces, ponctués par les magnifiques vues sur la mer.

L'entrée de Can Lis

Panneau en céramique situé à l'entrée de Can Lis.

 

Can Lis de Jorn Utzon

Le plan de Can Lis montre le parti de l'architecte, des espaces liés entre eux par des passages, de nombreux espaces extérieurs (courtyards et patios).

 

Can Lis la maison de Jørn Utzon

Vue de la cour principale

 

Can Lis la maison de Jørn Utzon à Majorque

Can Lis la maison de Jørn Utzon à Majorque

Can Lis la maison de Jørn Utzon à Majorque

Le salon est la plus haute pièce de la maison. Il possède un foyer de cheminée ouvert, sans aucune fioriture. Le salon ouvre sur la mer d'un côté, sur un patio de l'autre.

 

 

La chambre principale de Can Lis

La chambre principale, avec un lit maçonné en alcôve.

 

Chambre à Can Lis

Une chambre d'enfant, avec le bureau face à la mer.

 

La cuisine de Can Lis

La cuisine de Can Lis, encore utilisée aujourd'hui, probablement par les personnes de la Fondation Utzon...

 

L'arrière cuisine de Can Lis

Dans toute la maison, les "meubles" sont fixes. Dans l'arrière-cuisine, sur des étagères carrelées se trouvent des objets fétiches de l'île.

 

Le chantier commencera d’après les premières esquisses, mais la conception sera réalisée au fur et à mesure de l’avancement des travaux, avec la complicité de l’entrepreneur local, Jaime Vidal.

Utzon conçoit une maison très sobre, en utilisant peu de matériaux ; les pierres provenant de l'île, en blocs pour les colonnes et les murs, en dalles pour les sols, des poutrelles de béton blanc, des voûtains de terre cuite et des tuiles canal pour la toiture, du bois pour les menuiseries.

Sol en pierre de Santanyi.

Le sol de toute la maison est en pierre de Santanyi, une ville située non loin.

 

Détail Can Lis

Poutrelles métalliques et voûtains en terre cuite peints en blanc pour les plafonds ; le mode de construction est laissé visible. 

 

Fenêtre à Can Lis

Les fenêtres menuisées sont juste fixées par l'extérieur, pour ne pas être vues de l'intérieur. Le paysage est visible comme un tableau sans cadre !

 

Détail du plan des baies d'une des chambres.

 

Can Lis

Pour donner l'illusion de murs très épais et insister sur le paysage, ils ont été construits d'une manière particulière qui forme des creux dans les façades côté mer, uniquement visibles de l'extérieur.

 

   

Dans la maison en pierre de l'architecte, seule de la céramique aux dessins géométriques appliquée sur le panneau de l'entrée, les tables, les bancs... apporte une note "décorative" qui met en valeur la pierre brute.

 

J'espère que cette visite "guidée" de Can Lis vous aura plue et qu'elle vous aura fait découvrir une face cachée de l'oeuvre de cet architecte qui gagne à être plus connu.

 

Trop de visiteurs venant voir sa maison, Jørn Utzon décidera de quitter Can Lis et de se construire en 1994 une autre maison dont le lieu a été bien gardé. Il décèdera en 2008, après avoir créé environ 50 bâtiments essentiellement au Danemark et en Suède.

 

* chênes verts, pins, noyers, figuiers, oliviers, amandiers, citronniers, caroubiers, genévriers, mais aussi palmiers et bougainvilliers.

**Finalement, il aura fallu 102 millions de dollars australiens au lieu des 7 millions prévus en 1957 !

 

 

 

 

 

© Flora Auvray - 2021